mardi 8 décembre 2015

Le branle d'Ossau






Quand il est branlo baish (littéralement " branle bas ", c'est à dire de peu d'élévation dans les amplitudes du mouvement dansé), le branlo n'est exécuté que lors de la fête patronale, plus rarement lors des mariages, et sa fonction est strictement cérémonielle (Lo branlo baish). Quand il est dit airejan (aérien), l'adjectif qui le qualifie indique assez le caractère éminemment léger et " suspendu " que les danseurs impriment à leur mouvement (L'Airejant). Réservé à tous les moments de sociabilité (fêtes patronales, mariages, bals, départs et retours de la transhumance, rassemblements familiaux), il est dans ce cas l'expression la plus éclatante du goût des Ossalois pour la danse et de l'importance qu'ils attachent à cet exercice, et c'est plutôt sur ce dernier que nous mettrons ici l'accent. Une troisième façon de danser le branlo a autrefois existé à Laruns, le plus gros bourg de la vallée. Appelé Faranlà, son usage était réservé à la soirée du Mardi-gras. Fonctionnel en quelque sorte, il mariait deux exercices, la danse et le passacarrèra (passe-rue), et permettait à la population, toutes générations confondues, de rallier en bon ordre le centre du bourg. Le Faranlà est depuis les années 1980 l'objet d'une reprise dont l'initiative revient à Aussau Tostemps, association de Laruns.

L'airejan

Le branlo airejan, quant à lui, est une danse mixte, longtemps pratiquée en chaîne ouverte circulaire susceptible d'accueillir un nombre indéfini de danseurs et qui a récemment évolué (début XXème s.) vers des dispositifs moins achalandés : tronçons de chaîne de six à huit danseurs d'abord, puis couples mixtes autonomes disposés en cortège sur un arc de cercle (entre-deux-guerres), les danseurs restant dans ce cas, et malgré une plus grande liberté de mouvement, très attachés à l'esprit et à la configuration de la danse originelle. Dès lors, c'est un couple qui ouvre le cortège, lequel se déploie toujours vers la gauche, dans le sens des aiguilles de l'horloge.
Le chant a longtemps été le support musical privilégié du branlo, les danseurs puisant pour ce faire dans le vaste réservoir des branles chantés de la vallée (Vila de Castetnau). Se répondant d'une moitié de la chaîne à l'autre (Rossinholet qui cantas), ou les femmes répondant aux hommes, les participants ont longtemps fondu les deux exercices en un seultémoignant ainsi de la parenté évidente du branloavec ses lointains ancêtres, les caroles et les branles. Depuis une époque relativement récente (l'immédiate après-guerre), les danseurs ne s'accompagnent plus eux-mêmes au son de leur propre voix, déléguant ce soin aux instrumentistes présents, lesquels, dans la majorité des cas, privilégient les larges possibilités, tant sonores que rythmiques, offertes par le couple flabuta/tamborin (flûte à trois trous, ou à une main, et tympanon à cordes). Lequel couple instrumental est depuis longtemps présent dans la vallée, comme en témoignent les lithographies du XIXème s. représentant des danses en chaîne. Ce qui semble accréditer l'idée selon laquelle accompagnement vocal par les danseurs et accompagnement instrumental, ici comme dans la société trraditionnelle en général, ont longtemps existé de pair.

Pas et mouvements

Nous ne pouvons pas rentrer ici dans le détail de la description du pas du branlo airejan – écrire " le pas " au singulier est déjà un peu réducteur, tant nous avons constaté une grande diversité dans le traitement des appuis – , cela nécessiterait de trop longs développements. Bornons-nous à préciser qu'il se déroule selon une unité motrice qui utilise une phrase musicale de huit temps (soit quatre mesures de rythme binaire), et qu'il se répète de façon uniforme tout le temps que durera la danse. Dans sa forme actuelle – couples autonomes disposés en cortège sur un arc de cercle – le branlo offre au regard, des pas qui diffèrent selon le sexe de l'exécutant, l'homme effectuant, sur les huit temps, deux rotations, l'une vers sa cavalière, l'autre en sens inverse, laquelle le replace dans sa position initiale. La femme, elle, se tient tout au long dans sa position de départ. Ainsi le danseur et la danseuse évoluent droit devant eux sur les quatre premiers temps, pour danser quasiment sur place, et en face à face, sur les quatre temps suivants. Et ainsi de suite.
S'il y a singularité, c'est dans le mouvement dansé qu'il faut aller la chercher. Le tempo relativement lent du branlo airejan (il est sensiblement moins rapide que celui des rondeaux de Gascogne, par exemple, avec lesquels le branlo ossalois offre de très réelles similitudes), permet aux danseurs d'exprimer sans avoir à se hâter les grandes caractéristiques de leur gestuelle, laquelle obéit à une respiration rythmique immuable qui enchaîne, sur les deux temps de la mesure, une pulsation longue et deux pulsations brèves. En outre, au moment de s'engager dans l'espace, puis à intervalles réguliers au début de chaque mesure, les danseurs vont s'aider d'une propulsion de la jambe porteuse pour donner à leur mouvement ce caractère " aérien " qui est non seulement la marque du branlo dit airejan, mais aussi des sauts pratiqués dans la vallée. En effet, par la grâce de cet élan initial sans cesse renouvelé, ce transfert dynamique du corps d'une jambe vers l'autre (lequel nécessite un fléchi de prise d'élan de la jambe qui effectue la poussée, puis la propulsion proprement dite, puis enfin un fléchi d'amorti sur l'autre jambe, celle qui assure la réception), le ou les appuis suivants vont pouvoir s'effectuer sur l'avant-pied, créant ainsi cette impression de légèreté, de fluidité. Le mouvement est sans cesse " élancé ", en quelque sorte, comme " suspendu ", créant ainsi l'illusion de se jouer par instant de la pesanteur.
Il n'est sans doute pas inutile d'ajouter que cette singularité gestuelle du branlo airejan a fait que sa réputation a, depuis une ou deux décennies, largement dépassé les limites de son aire natale, où les Ossalois continuent de lui vouer une vénération qui reste très vive. Partout où on témoigne aujourd'hui de l'intérêt pour les danses, les musiques et les chants issus de la tradition le branlo airejan jouit d'une réelle, voire grandissante considération.
Depuis 1983, Aussau Tostemps a réintroduit la tradition du Faranlà à Laruns. Le soir du mardi-gras, il est dansé sous la halle, en chaîne et accompagné à la voix par les danseurs eux-mêmes. Au cours du buffet qui s’ensuit, il est à nouveau dansé, de même que des branlos airejans. Les chants polyphoniquesparachèvent la fête, comme c'est l'usage en Vallée d'Ossau (information communiquée par Jean-Jacques Castéret).

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